La déclaration incendiaire, dit-on, du Cardinal Dieudonné NZAPALAÎNGA n'est pas anodine. D'aucuns considèrent l'Eglise Catholique comme une entité politique qui a joué un rôle déterminant pendant la colonisation et dans d'autres conflits connus en Afrique. Pour d'autres observateurs favorables, c'est la voix sacrée qui se fait entendre dans l'espace public dans l'ultime but de défendre une bonne cause. Car, selon les apologistes de l'Eglise Catholique, la mission fondamentale de l’Eglise consiste à défendre sans aucune ambiguïté les principes de vérité et de justice, qui sont des droits fondamentaux à tout homme et à tous les peuples. En conséquence, l’on peut comprendre donc pourquoi cette dimension prophétique n’a toujours pas plu à une tranche politique.

Mais, il faut cependant noter que l’Eglise catholique semble se confondre assez souvent, dans certaines postures, avec la communauté politique et même parfois favorable à un système politique dans les faits sociétaux. Pour rappel, certains évêques de l'époque influencés par l'histoire de l'Eglise au Moyen âge, estimaient que le Christianisme était le seul moyen de rendre un pays stable lorsqu"il était adopté par les dirigeants politiques. Ils recommandaient ainsi aux missionnaires de convertir d'abord la classe dirigeante qui devait par la suite entrainer les masses. Cette méthode consistait à dire sans beaucoup de réflexions "en dehors de l'Eglise, point de salut" (Extra Ecclesiam nulla salus).

Comme tel, l'Evangile était, dans beaucoup de pays africains , une arme à deux tranchants: d'un côté, il révélait Jésus -Christ comme le Sauveur de l'humanité, de l'autre il était le vecteur de l'impérialisme culturel et colonial que beaucoup d'africains dénoncaient.

Le Pape Benoît XVI précisait à l'époque sans équivoque « que la parole des évêques était attendue face aux problèmes politiques touchant les processus électoraux, les injustices, les droits humains». Aujourd’hui, le lien entre le pape François et les évêques africains devient de plus en plus fort sur ce plan. . Cela se confirme par l'article de la sociologue Christine von Garnier qui évoque "le rôle politique grandissant de l’Eglise catholique en Afrique.".

.

En effet, la question fondamentale qui plante le décor de la problématique est celle-ci : Pourquoi les Evêques africains s’engagent-ils de plus en plus dans la vie sociopolitique de leur pays alors qu'en Occident, leurs collègues sont très réservés dans ce domaine ? Où est la place du sacré finalement aujourd’hui en Afrique ?

Il s’agit de questions difficiles qui sont pourtant au cœur de l’interrogation identitaire du guide religieux, à l'instar de l'évêque, dans la sphère politique en Afrique. Au final, on lui dira : "Pourquoi se mêle-t-il de la politique ?".

Mais c'est une question à réponses multiples :

Pour d’aucuns, il est impérieux que l’Eglise s’exprime et prenne position sur les questions de l’heure. Pour d’autres, en raison de sa vocation spirituelle, elle doit s’en abstenir. D’autres encore pensent que l’Eglise devrait rester politiquement neutre et ne réagir que dans certains cas exceptionnels comme la crise sociopolitique à l’est de la République démocratique du Congo, les attentats meurtriers de Mogadiscio en Somalie ou le génocide rwandais.

Quoi qu’il en soit, s’occuper de la politique peut paraître, à première vue, surprenant lorsque cette Eglise inscrit son action sur le territoire d’une République laïque. Et lorsqu’elle affirme que « sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes » (Gaudium et Spes 76 §3).

Une telle affirmation est, à bien y penser, non seulement une interdiction d’intervenir directement dans les affaires politiques d’une nation, mais surtout la reconnaissance de l’obligation religieuse de ne pas porter un jugement moral aux autorités politiques, « même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l’exigent » (Gaudium et Spes 76 §5). Et même si au fond, « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ » (Gaudium et Spes 1).

Dans cette optique," l’Eglise a la juste obligation de prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes (…) en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations" (Cf. Gaudium et Spes 76 §5).

On le voit bien, "l’Eglise, corps du Christ, n’est inféodée à aucune organisation politique. Sa seule préoccupation est de contribuer au bien-être du peuple tout entier, à la sauvegarde et à la promotion de la dignité de la personne humaine, au respect de la vie, des libertés et des droits fondamentaux " (cf. Gaudium et Spes, n. 76 §2).

Toutefois, le Cardinal Tumi (Cameroun) disait dans un entretien accordé à La Croix Africa le 5 décembre 2020. : Si " les acteurs politiques ont échoué à trouver une solution à la crise, c’est maintenant à nous, guides religieux, d’agir en fédérant toutes les parties prenantes autour de notre cause". Pour le Père Zikpi, prêtre franciscain, "la présence de l’Église dans la sphère sociopolitique découle d’un rapport inaliénable entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique». Pour lui, on ne peut pas supprimer ce rapport en disant « que le religieux n’a rien à voir dans le domaine politique ou que la politique n’a aucune influence dans le domaine religieux » parce que les deux domaines concernent la même humanité. « Même si les politiques souhaitent que les religieux ne se prononcent pas sur leurs pratiques, leurs prises de décision et leur programme, il ne peut en être ainsi, sinon le religieux ne serait plus le gestionnaire de la création et porte-parole de Dieu qui a tout créé et qui veille sur tout », insistait-il.

Oui mais, la question récurrente qui s'impose est de savoir: " jusqu'où les religieux prendront-ils leur responsabilité politique ? Car, lorsque le discours de l"homme supposé sacré commence à devenir très édulcoloré politiquement, à la limite de franchir la ligne rouge, il y a de quoi à s'interroger sur les vrais enjeux de son rôle dans la société.

Passi keruma

L'EGLISE CATHOLIQUE ET LA POLITIQUE

Partager cet article