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PKNEWS
22 janvier 2016

QUEL AVENIR POUR LE POUVOIR EN CENTRAFRIQUE ?

DOLOGUELE ET TOUADERA_1Le temps est venu pour la classe politique centrafricaine de tirer des leçons post-électorales. Car, en politique, la grande défaite, en tout, c'est d'oublier, et surtout ce qui vous a fait échouer, et d’échouer sans comprendre jamais jusqu'à quel point le peuple peut vous reléguer en oubli. Autrement dit, l’indécence consisterait à dire aujourd’hui que le peuple centrafricain est politiquement immature et l’on peut encore le tromper demain. Qu'ils sachent une fois pour toute aujourd'hui que le peuple peut donner sa faveur aux hommes politiques, mais jamais sa confiance.

     Aux politiciens, Abraham Lincoln n’a-t- il pas dit avec raison qu’"On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps." ? Cette citation d’Abraham Lincoln revêt une portée significative pour la classe politique centrafricaine dont la condescendance envers le peuple s’est longtemps perpétuée au point de devenir une vertu.  Le  pouvoir a nettement été réduit à un simple rapport de domination entre gouvernants et gouvernés.

La vraie signification du pouvoir traditionnel en RCA

  Et pourtant,  dans la société centrafricaine traditionnelle, le pouvoir politique a toujours été considéré comme un instrument que la tradition ou le peuple donne à un homme, une femme ou un groupe d’Homme pour qu’il contribue au bien être de toute sa communauté. En majorité, le pouvoir n’était pas considéré comme un bien devant servir à la protection des intérêts individuels.

     Dans la société traditionnelle, le chef était aimé plus en fonction de ce qu’il faisait pour son peuple, non en fonction de ce qu’il faisait pour lui-même ou pour sa famille. Il me semble que les chefs politiques traditionnels étaient plus conscients de leur responsabilité vis-à-vis de leur peuple que beaucoup de nos chefs politiques aujourd’hui.  Le chef devait avoir des grands champs, non pas pour être l’homme le plus riche du village mais pour faire face aux dépenses de sa charge. Il devait accueillir beaucoup de gens chez lui, il devait venir en aide aux malheureux... Donc l’intérêt supérieur qui motivait cette situation favorable reconnue au chef, c’était au sens large, la protection de son village ou de son peuple.

     Malheureusement, malgré la volonté manifeste du peuple centrafricain de  perpétuer cette tradition, l’homme politique  a confisqué le pouvoir pour en faire une fabrique des relations personnelles, familiales, tribales et claniques. En effet, le pouvoir du peuple s’est inscrit dans un ensemble doté d’une spécificité très particulière par rapport aux systèmes connus en Occident : clientélisme, délation, luttes factionnelles...

     Comme l’a si bien souligné avec raison l’un des présidents des Etats Unis  « C’est immoral d’utiliser un mandat public pour servir des intérêts personnels ». Si cela est immoral aux Etats Unis, en Centrafrique, il transparaît comme la meilleure règle de la gouvernance. On a le pouvoir pour se servir et non pour servir. S’il y a eu un nombre pléthorique de candidats à la récente présidentielle, d’aucuns pensent que l’enjeu était de trouver un tremplin pour  se servir.  

Mais aujourd’hui,  après ces élections truffées d’enseignements,  une question s’impose : quel avenir pour le pouvoir désormais en Centrafrique ?

Vu le sursaut patriotique du peuple lors de ces dernières élections, l’homme politique semble avoir reçu un message fort des centrafricains. Celui de savoir que le citoyen lambda a acquis une certaine maturité politique, et s’inscrit désormais dans une tentative de réappropriation du pouvoir du peuple longtemps dévoyé par un groupuscule de prédateurs. L’homme politique est désormais contraint de repenser sa conception du pouvoir.  

Cinq vices à enrayer du paysage du pouvoir politique

Il y a entre autres cinq vices politiques à enrayer afin d’éviter dans l’avenir de reproduire les mêmes causes pour les mêmes effets :

1.       Le déni de l’alternance politique

L’un des griefs politiques très connus en Afrique est le refus de céder le pouvoir. «En Afrique, on ne peut pas désigner quelqu’un du doigt en disant qu’il est un ancien chef.» Cette phrase qu’aimait répéter l'Ivoirien Félix Houphouët-Boigny explique que l’alternance politique ne soit pas la valeur la mieux partagée en Afrique, et particulièrement en Centrafrique. Quand on a du mal à transmettre à ses enfants le sceptre présidentiel, on s’y accroche d’années en décennies. Le burkinabè Blaise Compaoré aura payé de sa réputation cet appétit insatiable. Mais son expérience ne semble guère servir de leçon à nos dirigeants politiques souvent pris en otage par leur clan politique. Les raisons souvent évoquées pour les maintenir au pouvoir sont multiples mais nous en retiendrons deux :   1° le Président doit rester encore au pouvoir pour achever l’œuvre, le programme ou les chantiers qu’il a commencé ; 2°le Président est populaire. Son peuple a encore besoin de lui.

Ces thèses ne peuvent plus tenir. Le peuple a soif de l’alternance politique et se veut aujourd’hui gardien du temple de la démocratie.

2.      L’affairisme

Le pouvoir en Centrafrique sert toujours à s’enrichir. Dès qu’un homme politique accède au pouvoir, ses plus proches ne cessent de crier tout haut : « notre tour est arrivé ». Telle est la réalité du pouvoir en Centrafrique. Chacun attend son tour pour se servir ou pour piller les richesses du pays au détriment du pays.

Dans une telle situation, les hommes qui ont gouté au pouvoir et à l’argent ne peuvent plus accepter de le quitter. Ils entrent en fonction pauvres et dans quelques années ils deviennent très riches.

Afin de mettre un terme à cet affairisme, produit du népotisme et du clientélisme, le futur Président de la République devrait s’entourer de personnalités politiques d’envergure ayant un passé peu compromettant et présentant une expérience avérée des affaires publiques. Car, l’erreur serait de  former un gouvernement qui ne serait qu’une assemblée de lobbyistes du même parti ou de même clan.

 

3.      La violation des droits de l’homme

Depuis des lustres en RCA, la détermination de garder le pouvoir en violation de la constitution et contre la volonté populaire a abouti aux atteintes à la liberté d’expression, de manifestation pacifique ou à poser des actes qui violent les droits fondamentaux (arrestation et détention arbitraires des opposants ou des membres de la société civile qui critiquent, assassinats politiques, etc).  

Les forces de sécurité (Forces armées et la police) agissent ainsi  comme des instruments de répression de toute voix discordante (opposition, syndicat, société civile...) au lieu d’agir comme des forces de promotion et de défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles.

Il est à souligner que l'arbitraire, la violence, le mépris du droit et l'accaparement des richesses économiques nationales ont été des constantes de la gouvernance centrafricaine. Toute référence aux règles juridiques et aux grands principes généraux du droit a été bannie.

4.      L’omniprésence présidentielle

Les Présidents centrafricains ont toujours exercé le pouvoir avec la présence de leurs familles, épouses, enfants, etc à leurs côtés. Pour eux, le pouvoir est devenu un instrument pour assurer la promotion familiale, ethnique ou tribale au lieu de s’en servir pour que tous les citoyens aient la possibilité de réaliser leurs rêves sur base des compétences et mérites. Cette dérive s’affiche souvent par le slogan « notre tour est arrivé ».

Les enfants de nos présidents, les membres de leurs familles et leurs amis contrôlent tous les circuits économiques et financiers. Tout le monde est dans l’obligation de s’accrocher aux membres de famille de ceux qui détiennent le pouvoir pour avoir une place autour de la mangeoire.

Dans la plupart des cas, les membres des familles de nos dirigeants politiques se cachent derrière les libanais et certains occidentaux véreux pour exploiter les ressources naturelles, faire du commerce et s’adonner à toutes les opérations de pillage possibles. 

Toutefois, il faut noter que l'accès à la mangeoire apporte certainement considérations, honneurs et une certaine impunit" mais inversement, l'éviction de la mangeoire attire souvent l'oppobre, humiliations ou condamnations.

5.      Le népotisme insolent

La logique de « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut » a disparu depuis très longtemps du paysage politique centrafricain. L’administration centrafricaine en a pris un coup. Ainsi, les parents du Président sont intouchables. En dépit de leur faible bagage intellectuel, les parents du président sont nommés à des postes auxquels ils ont manifestement ni la compétence ni le sens du bien public.

Une fois nommés ministre ou à la tête d'un important service public, les titulaires de ces charges s'adonnent avec avidité à des détournements, comme leurs prédécesseurs. Ils mènent parfois un train de vie qui ne peut qu’aviver l’acrimonie et l’esprit de révolte du citoyen ordinaire.  En effet, la considération que le pouvoir politique accordait, autre fois, aux systèmes éducatifs, à sensiblement baissé au point que dans toutes les mesures politiques impliquant des changements dans nos pays, les universitaires ne sont pas associés.

La politique  a sensiblement détruit l’éducation et baissé la qualité de l’enseignement en Centrafrique. Car, tous trouvent de moyens faciles par le biais du pouvoir d'accéder au bien-être. Le peu d’argent affecté à l’éducation dans notre pays est une preuve que c’est le pouvoir qui ne veut pas un enseignement de qualité.  Le népotisme a supplanté l'éducation. Ce qui fait que notre enseignement ne répond plus aux normes internationales. Ceux à qui on octroie des bourses pour des études à l'extérieur du pays ne répondent pas souvent aux critères exigés. Combien de jeunes centrafricains, envoyés par affinité pour des études, ne finissent pas leurs études? 

Il est temps d’avoir une nouvelle classe politique

 

Il est temps qu’une nouvelle classe des hommes et des femmes s’élève pour changer cette situation qui ne contribue qu’à compromettre l’avenir de notre pays.

il est temps de penser au renouvellement de la classe politique centrafricaine.

Il est temps de trouver ces oiseaux rares, espèce en voie de disparition, qui puissent prendre la commande de cet Etat tant exploité. Il nous faut trouver des hommes et des femmes qui, une fois, élus ou nommés à de hautes fonctions qui soient à la hauteur de :

1° Mettre l’intérêt de leurs concitoyens au-dessus de leurs propres intérêts ou de ceux de leurs familles,

2° Lutter contre l’enrichissement illicite de ceux qui exercent des mandats publics ;

3° Rendre à l’enseignement primaire, secondaire et universitaire ses lettres de noblesse. Rendre le même enseignement accessible à tous les citoyens qu’ils soient pauvres ou riches ;

4° Faire des forces de sécurité des instruments de promotion et de protection des droits fondamentaux et des libertés individuelles ;

5° Promouvoir une société véritablement ouverte. Une société où toutes les forces peuvent s’exprimer librement et participer effectivement au développement économique, politique et social du pays sans avoir la crainte d’être arrêté ou tué.

6° Promouvoir la lutte contre la corruption et la transparence dans la gestion des finances publiques ;

7° Imposer le respect des lois à soi -même, à ses proches et aussi à tous les autres citoyens.

Est – il possible de trouver de telles personnes en Centrafrique ? Oui, elles sont là. Peut-être pas dans la classe politique actuelle, mais elles sont là,dans celle qui naîtra. La Centrafrique attend avec impatience ces hommes et femmes pour une renaissance tant souhaitée. Car, chaque centrafricain fait ce rêve d’une Centrafrique où le pouvoir ne soit pas un raccourci vers l’enrichissement, où l’accès à l’école, à la santé et à la justice soit garanti, où les élections soient transparentes et où la corruption soit bannie. 

..

 

PASSI KERUMA

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