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PKNEWS
11 avril 2020

FACA : DE L'AMBITION POLITIQUE À LA FORCE REPUBLICAINE

ARMEE CENTRAFRICAINE

L’armée Centrafricaine (FACA), créée  depuis 1960, a toujours brillé par son manque de loyauté envers les institutions républicaines, marqué par des coups d’état, mutineries, rebellions, etc. L’intervention périodique et « spectaculaire » de l’armée dans le champ politique a remis en cause le processus démocratique amorcé depuis la fin des années 1980. Cette récurrence de l’intervention de l’armée a aussi conforté l’idée que l’on pouvait prendre le pouvoir par des armes. Ce qui a ouvert des portes aux  régimes autoritaires et aux aventures non démocratiques. Très instrumentalisée politiquement et régulièrement ethnicisée.

En effet,  la crise que nous vivons aujourd’hui résulte d’une longue descente aux enfers des militaires centrafricains. Sous tous les régimes qu’a connus la Centrafrique, l’armée centrafricaine a rarement joué son rôle que lui conféraient les institutions régaliennes. Dit autrement, la démocratie a toujours été fragilisée par cette armée aux grandes ambitions politiques. De même, l’exercice du pouvoir politique par les militaires s’est traduit le plus souvent par la concentration des pouvoirs (dictature) au profit des dirigeants, la violation massive des droits de l’homme et in fine le sous-développement. Alors qu’ils expliquent souvent leur intrusion dans la vie politique par la nécessité de préserver l’ordre constitutionnel ou défendre la démocratie, les militaires se sont révélés souvent pires que le mal qu’ils dénonçaient. Le coup d’État de  l'empereur Bokassa en est une parfaite illustration (1966-1979). Depuis des décennies, il faut le dire,  les soldats centrafricains constituent toujours des facteurs de troubles. Particulièrement, les gardes prétoriennes (ou gardes présidentielles)  de tous les régimes ont souvent été  à l’origine des exactions contre la population avec des homicides, des tortures, des abus à des degrés divers. Les FACA, censées protéger la population, ont été les bourreaux du peuple centrafricain. L’abandon des missions régaliennes au bénéfice d’un régime autoritaire les a toujours caractérisés.  Ainsi, l'armée a souvent fait l’objet de nombreuses critiques du fait de ses pratiques empreintes des meurtres, des exactions, des viols, des pillages

Il faut ajouter à cela, d'autres dérives telles que la pléthore incontrôlable des soldats, les recrutements sur fond du tribalisme, la distribution des grades sans tenir compte des profils des bénéficiaires, la transformation de l’armée en dépotoir des ratés sociaux. Ce sont des facteurs qui ont affaibli l’armée centrafricaine. Tous les généraux gagnaient mensuellement de gros salaires et préféraient passer leur temps dans des lieux de distraction ou dans réunions de destabilistation du pays au lieu de réfléchir sur un système de défense à même de dissuader des velléités hégémoniques et belliqueuses des forces négatives .

Comme certains détracteurs se plaisent à le dire : "L'armée centrafricaine regorge des généraux d'operettes, prêts à être manipulés pour des coups d'état et nuls sur le champs de bataille". Une affirmation à tort ou à raison allusive à leur cuisant échec face à l'avancée des groupes armés SELEKA en 2012. 

En effet, à un moment donné, il devrait y avoir ce grand besoin de la restructuration d’une armée républicaine, apolitique, performante et dissuasive. Car, notons-le, si l’armée centrafricaine avait effectivement joué son rôle, le pays n’aurait pas été aujourd’hui sous la tutelle  de la force onusienne.

Malheureusement, à force d’avoir subi pendant une dizaine d’années des crises militaro-politiques à répétition  qui ont affecté le tissu socio–économique et les forces de défense et de sécurité, la RCA affiche aujourd’hui le visage d’un pays politiquement instable, économiquement faible, et dans lequel le niveau d’insécurité dans l’arrière pays reste une source de préoccupation. Et le centrafricain se sent abandonné à lui-même.

Malgré tout, la lueur d’espoir commence-t-elle vraiment à poindre à l’horizon aujourd’hui ?  C’est la question qui taraude l’esprit de chaque centrafricain.

En dépit de l’embargo sur les armes imposé par l’ONU avec la complicité de certains pays aux réflexes impérialistes, une série de recrutements s’opère en ce moment dans le cadre de la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) visant une armée représentative et républicaine, qui permettra de pleinement assurer la protection des civils, une responsabilité souveraine de l'Etat en conformité avec les dispositions de l'Accord politique pour la paix et la réconciliation du 6 février dernier. Pour la ministre de la Défense Marie Noelle Koyara, c'est la mise en œuvre du Plan national de la défense.

"Le plan qui découle du plan national de la défense, prévoit le recrutement d'au moins 2600 jeunes en plus de 1023 soldats, déjà opérationnels sur le théâtre des opérations. Ce recrutement se fait chaque année entre 2018-2023. Compte tenu du retard accusé dans la mise en œuvre, le comité stratégique a décidé du regroupement de ce recrutement, c'est ce qui explique ce chiffre" a-t-elle justifié et d’ajouter : « Nous envisageons recruter 30 officiers, 60 sous officiers et 300 spécialistes et 910 candidats au titre de l'année y compris les ex combattants éligibles au programme d'intégration" 

 Le  citoyen lambda se trouve ainsi convaincu que des signes prometteurs se révèlent pour un avenir meilleur. En évidence, notons-le, l'armée centrafricaine est en pleine restructuration avec l'appui des partenaires bi et multilatéraux. Elle est train de renaître des cendres et de se redéployer dans quelques régions.

C’est le rêve de chaque centrafricain, celui de voir son pays doté d’une armée à la hauteur de ses ambitions. Mais quel type d’armée voulons-nous aujourd'hui ?

Afin de redorer son blason, nous souhaitons que l’armée centrafricaine soit, au-delà de la formation de maniement des armes, revisitée sur trois volets :

L’urgence de dépolitiser l’armée

La première nécessité est la dépolitisation de l’armée afin qu’elle serve réellement les intérêts de la république. Pour y parvenir, la séparation et l'indépendance de l'armée de la politique pourraient être constitutionnalisées et institutionnalisées pour éviter les interférences mutuelles. C’est là une garantie capitale pour les autorités militaires de maintenir l’armée dans sa fonction régalienne. Ainsi, elles pourront s’y appuyer pour récuser toute ingérence du politique.  Cela mettra fin aux nombreuses  aberrations  relatives à la sécurisation du chef d’État qui privilégie souvent sa sécurité en s’appuyant sur des hommes de confiance au détriment de l’édification d’une armée réconciliée, unifiée et républicaine.

La nécessité d’éviter une armée corrompue

De même que  la séparation du militaire du politique est nécessaire, celle du militaire corrompu l’est également. Car, la corruption a toujours gangréné l’armée centrafricaine. Cela a d’ailleurs été l’un des facteurs engendrant plusieurs échecs aux fronts. Et souvent, l’on entend : « À quoi bon se battre pour des officiers qui restent à l’arrière et s’en mettent plein les poches ? » se dit l’homme de troupe. Lors des dernières crises contre le groupe armé Seleka, il était dit que la plupart des officiers étaient corrompus sur le champ de bataille et favorisaient l’avancée des troupes adverses.

Depuis les dernières années du régime Bokassa, l’armée centrafricaine est devenue avant tout une pompe à finances de certains officiers. Avec deux méthodes privilégiées. Le détournement des pécules des soldats accompagné d’un prélèvement sur leur solde. Cela peut expliquer, en partie, la grogne au sein des soldats qui se sentent lésés et laissés pour compte. 

De toute façon, avoir une armée corrompue, c’est l’effondrement d’une société vulnérable à toutes sortes d’hostilité.  Par conséquent, l'impunité doit être de rigueur aussi de l'armée. Dit autrement: de l'homme de rang à l'officier, personne ne doit se déroger des règlements internes de l'armée pour une quelconque raison. 

L’instauration d’une gouvernance juste

Enfin, l’amélioration de la gouvernance est un impératif vital pour moderniser l’armée centrafricaine. Pour cela, une définition claire et précise des critères requis pour les promotions constitue une base raisonnable. La performance, le mérite et la dépersonnalisation du service en sont les piliers.  Les promotions et nominations faites sur cette base objective permettront à la  chaîne de commandement d’être restaurée. L’autorité des responsables s’en trouverait renforcée puisque leur légitimité ne souffrirait d’aucune remise en cause surtout par leurs subalternes. L’armée aura  alors une véritable colonne vertébrale. C’est ainsi que la discipline sera restaurée et deviendra un credo. Les conditions de travail et la rémunération sont aussi des pans importants eu égard au rôle de l’armée et à la conjoncture du pays. D’où l’urgence d’accélérer la mise en cohérence des moyens d’action des forces armées centrafricaines avec le contexte géostratégique, les progrès technologiques et l’évolution sociale. Il s’agit globalement de résorber les dysfonctionnements de l’institution exacerbés par une décennie de crise, qui a contribué à détruire les infrastructures et le matériel, à affaiblir la chaîne de commandement et la capacité opérationnelle, à instrumentaliser l’institution militaire et à altérer l’esprit du corps.

Si la Centrafrique a besoin d’une armée à la hauteur de cette ambition. Cette armée doit être résolument républicaine. Cela passe par  une profonde réforme. La paix et la cohésion sociale, gages de l’émergence économique.

Passi Keruma

 

 

 

 

 

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