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PKNEWS
17 juillet 2020

CENTRAFRIQUE : LA RELEVE POLITIQUE GENERATIONNELLE EST-ELLE POSSIBLE AUJOURD'HUI ?

 

HOMMES POLITIQUES CENTRAFRICAINS

La relève générationnelle en politique est un défi permanent auquel fait face n’importe quel pays démocratique et surtout pour une jeune démocratie comme celle de la RCA. Cette préoccupation est politiquement vitale et nécessite en effet une certaine réflexion délicate afin d’en prendre conscience. C’est dire que le terme « génération politique » n’est pas un vain mot. Il constitue une dynamique dans le paysage politique d’une nation. De quoi s’agit-il en fait ?

Il s’agit de savoir si les jeunes générations d’aujourd’hui sont plus ou moins politisées, plus ou moins engagées, que celles qui les ont précédées. C’est la question à laquelle on ne peut répondre de façon simple et univoque. Car toute génération nouvelle reprend en partie les usages de la citoyenneté et les modes de participation politique de celles qui l’ont précédée, mais elle les recompose et les réinvente aussi.  Continuités et ruptures s’ajustent en fonction des événements, des circonstances, ainsi que des évolutions des institutions et du système politique lui-même.

Par  exemple, le catalogue générationnel des hommes politiques qui ont inexorablement marqué l’histoire de la République Centrafricaine à l'aube de l'indépendance demeure jusqu’aujourd’hui une pierre mémorielle.   : outre Boganda, il s'agit donc de Goumba, Fayama, Domoloma, Kangala, Maleyombo, Dacko , etc.. ; ensuite, la génération "post-indépendance" est venue contribuer à la mise en place d'un nouveau décor politique animé par Dacko, Adama-Tamboux, Ayandho, Payao,  Etienne Ngounion et bien d’autres que nous ne pouvons citer. La liste est longue. Ils étaient tous des jeunes constituant une classe politique  pionnière engagée à reformuler la politique post-coloniale.

Il est à préciser ici que de 1960 à 1970, la gestion du pouvoir politique a été assurée en majorité par des instituteurs, médecins et  quelques commis de l’état. Malgré leur niveau de formation assez hétéroclite, ces premiers dirigeants centrafricains ont tous été guidés dans leurs actions par une même exigence, celle du nationalisme jugé indispensable pour mieux se défaire du joug colonial et asseoir les prémices d’une nation véritable.

C’est d’ailleurs pourquoi,  l’on a toujours pensé que c’était la seule période d’accalmie politique qu’a connue la RCA. Le combat entamé par ces premiers leaders en faveur de la construction nationale était à peine amorcé qu’une nouvelle génération de leaders, celle des militaires, vint y mettre fin. Ainsi, de 1970 à 1990, le pouvoir est tombé dans les mains des militaires. C’est le début des régimes autocratiques. C’est le règne des partis uniques, avec pour conséquence la fin des espoirs nés de l’indépendance.

C'est ce qui a poussé les jeunes de toutes les couches sociales, en 1979,  à être en première ligne de  nouvelles demandes démocratiques et de nouvelles expressions politiques pendant que la dérive dictatoriale de Bokassa a atteint son paroxysme.. S’ils avaient en partage avec leurs aînés bien des traits d’attitudes et de comportements, certaines modalités de leurs actions politiques leur étaient plus spécifiques : c'est-à-dire, ces jeunes étaient poussés par le désir de changement, le courage et le dynamisme de retrouver la liberté. Il convient de préciser qu'il n'y avait pas, à cette époque, des réseaux sociaux. 

Malgré tout,  dans ce contexte difficile de la dictature, la jeunesse a choisi la posture de contestation radicale  et d’un rejet du système politique dans son ensemble. Au passage, nous rendons ici hommage aux éveilleurs de consciences, tels que : Alphonse Blagué, Nzapa-Commanda Yakoma, Pamadou Pamoto, Zelou, Malabar, et bien d’autres qui ont joué un rôle déterminant  dans l’interpellation de la jeunesse à une prise de conscience. Un rôle patriotique auquel ont lamentablement failli les intellectuels qui sont venus plus tard.

La question de la classe politique a commencé à  se poser en Centrafrique dans les années 90, début de la démocratisation de l’Etat et de la société. Après l'instauration  successive des régimes autocratiques, la qualité des leaders est devenue un enjeu majeur dans la réussite et l’enracinement du processus démocratique.

Quelques figures politiques se sont forgées à cet effet afin de reconfigurer le paysage politique centrafricain. Parmi celles-ci, il y a, entre autres Ange Félix Patassé, Henri Maidou, François Pehoua, Jean-Paul Ngoupandé, François Gueret, Sammy Mackfoy, et bien d’autres. qui constituaient les ténors. Car, en 1981, l’avènement de la démocratie en Centrafrique n’a pas entraîné une transformation radicale de la classe politique. Le mélange des dirigeants de cette période démocratique, entre civils et militaires, n’a pas permis à la démocratie d’être véritablement une réussite et, surtout, un facteur de progrès, ni d’emergence d’une nouvelle classe politique. 

 Á cet effet, la vie politique centrafricaine s’est caractérisée par  des coups d’état répétés et des régimes autocratiques. Si les élections démocratiques tenues en 1993 ont mis fin à une période de près de 30 ans de turbulences, ce n’était que pour une courte durée. Pendant le règne de Patassé (1993-2003), il a mis sur pied la Garde Présidentielle ethnicisant davantage les forces de sécurité de l’Etat et contribuant à l’aggravation des tensions politiques et ethniques dans les années 1990 (cf.International Crisis Group, 2014). Ange Félix Patassé prônant toujours dans son discours populiste un véritable nationalisme quand il était dans l'opposition,  était finalement tombé dans la mégalomanie. 

Ce qui a engendré la  rébellion de François Bozizé (2001-2003) et les groupes armés qui ont investi une bonne partie du pays (2005-2008). En effet, les  fondations démocratiques ont été littéralement détruites. S’y ajoute, l’échec de Nicolas Tiangaye, comme Premier Ministre du gouvernement Séléka qui, après sa nomination en janvier 2013, n’a cessé de décevoir tous ceux qui lui ont fait confiance. Son absence de réactivité politique, son manque d’empathie avec la population, son incapacité à rebondir politiquement sont soulignés par ceux-là qui ont cru en ses capacités intellectuelles à un moment donné. (cf.Roland Marchal, 1°Leçons d’une drôle de transition en RCA, Politique Africaine, 2015/3, n°139, pp.123-146).

Ensuite viendra l’élection de Cathérine Samba-Panza, issue de la société civile, le 20 Janvier 2013 comme Présidente d’une transition réinventée. Malheureusement, cette dernière n’a fait qu’accroître les difficultés politiques. Son gouvernement a été formé sur fond de népotisme et clientélisme. Il n’y a eu aucun membre de la société civile ni un jeune de la nouvelle génération. L’inquiétude a vite prévalu sur la capacité de ce gouvernement à rétablir la paix , à incarner la réconciliation et surtout à préparer une nouvelle classe politique.

Après presque deux ans de transition et l’adoption de la nouvelle constitution, la République Centrafricaine a tenu des élections présidentielles et législatives au cours desquelles, on a vu émerger  une classe politique composée d’une trentaine de candidats déjà connus ou peu connus, dont la plupart étaient impréparés, mais qui n’avaient pas d’autres ambitions que d’accéder au pouvoir. Cette velléité politique très éphémère n’a pu former une nouvelle génération que l’on espérait. Pourtant, être acteur politique ne veut pas dire apparaître qu’au moment des élections. C’est une activité pérenne qui entraîne le peuple à une prise de conscience politique.  Malheureusement, l’inertie de la plupart de ces acteurs politiques centrafricains n’a pas aidé à redynamiser la classe politique. Cette dérive est due à plusieurs facteurs que nous résumons de la manière suivante : 

  1.  Les partis politiques, souvent créés pour des mobiles autres que politiques par leur leader, n'ont jamais servi d’environnement démocratique propice à l'épanouissement des jeunes aspirant à la politique. En conséquence, ces jeunes sont souvent relégués au rôle de propagandistes. Privés souvent de prise de parole en toute liberté dans leur propre parti. C’est dire qu’ils s'adhèrent à ces partis politiques pour un rôle de faire-valoir bien qu'ils représentent une élite de demain.
  2. L'autre défi majeur de la nouvelle génération impréparée se trouve être lié au regard que porte cette vieille classe politique sur la jeunesse qu’elle trouve immature et inexpérimentée. En effet, ces jeunes ne sont jamais proposés aux rôles de décisions, sauf ceux qui ont des liens familiaux avec le leader sont favorisés; c'est un grenier appartenant au leader et ses parents. La nouvelle génération est toujours  victime de « manipulation politique » dont le but est de la maintenir dans la dépendance matérielle.
  3. De même, la démocratie centrafricaine se fait de plus en plus individualisée. Les allégeances politiques, les identifications partisanes sont souvent motivées par des intérêts égoistes. Les rouages de la représentation démocratique demeurent, mais une place de plus en plus décisive est de moins en moins réservée à la jeune génération et aux capacités de mobilisation de celle-ci. Le vote reste considéré comme un moyen d’expression privilégié, y compris au sein des jeunes générations, mais la norme civique qui leur est attachée s’est nettement affaiblie. Leur choix ne résulte pas d’une réflexion politique approfondie  inhérente à leur avenir,  mais comme sus-mentionné, il provient d’un fanatisme partisan.
  4. Il convient de retenir également que le partage du pouvoir politique souvent revendiqué par les auteurs des crises et d’instabilité politiques pour leur ego n’a jamais offert une opportunité favorable à l’expression démocratique au niveau de la jeunesse qui a payé un lourd tribu.

Au regard de tout ce qui précède, l’architecture politique centrafricaine s’est effondrée à plusieurs niveaux. L’expression politique de la nouvelle génération est très balbutiante, même s’il y a quelques velléités qui se manifestent, ici et là,  pour des fins électoralistes. Et la question est de savoir comment faire pour que la nouvelle génération prenne la relève de cette classe politique de plus en plus vieillissante, constituée à 80% des sexagénaires et des septuagénaires.  Entre autres : Faustin Archange Touadéra, Martin Ziguélé, Anicet Georges Dologuélé, Francois Bozizé, Nicolas Tiangaye, Fidèle Ngouadjika, Désiré Kolingba, Gaston Mandata N'Guerekata, etc. Vous n'êtes pas sans ignorer que tous ces noms cités sont les mêmes acteurs politiques depuis plusieurs décennies que le peuple a déjà connus. Ils ont servi dans la sphère politique d'une manière ou d'une autre. Cette classe politique n'est composée que de vieux visages liftés dont les intérêts égoïstes priment sur les intérêts du peuple. 

De ce fait, il importe que l’engagement politique des jeunes se construise et prenne forme à partir d’une double-dynamique, celle de l’héritage de leurs prédécesseurs et celle de l’expérimentation à côté de ceux-ci. Car, il s’inscrit dans la négociation que toute génération nouvelle doit faire, d’une part, avec la culture politique dont elle hérite et, d’autre part, avec les conditions d’expérience propres à la conjoncture historique et politique dans laquelle elle prend place. C’est dans cette tension que la politisation des jeunes prend son essor et qu’elle doit être interprétée. Mais cela étant rappelé, les conditions de transmission d’une culture politique commune aux différentes générations méritent d’être examinées. N'ignorons pas que les jeunes centrafricains d’aujourd’hui entrent dans un contexte politique bien différent de celui de la jeunesse de leurs parents. Leurs premiers choix, leurs façons de se faire entendre et de s’exprimer portent ces changements. Les paramètres politiques n'ont plus les mêmes logiciels. 

Mais malheureusement, aujourd'hui, ces jeunes ne bénéficient ni d’un héritage politique ni de l’expérimentation de leurs aînés. La plupart des jeunes politiques qui s'efforcent d'entrer sur la scène politique par effraction sont souvent inexpérimentés. Cela s’explique par la prolifération de petits partis politiques amorphes sans aucune vision.

C’est un malaise qui s’empare de la nouvelle génération centrafricaine aujourd’hui à l’égard de la représentation politique. La confiance dans les institutions politiques et dans les gouvernants est au plus bas. La classe politique et les partis politiques font l’objet d’un rejet. Les jeunes ne sont pas dépolitisés, mais ils sont politisés autrement. Ils sont plus dans le discours, moins dans les actes, moins dans l’organisation. Ils sont sans doute davantage dans l’expressivité et dans l’émotion, mais moins dans l’engagement comme ceux des années 79. La démocratie d’opinion et de protestation, définissent le contexte dans lequel ils abordent aujourd’hui la politique sans s’y impliquer. Une raison qui fait de cette jeunesse un instrument aux mains de meneurs habiles qui exploitent à leur profit ses qualités et ses défauts.  

Du coup, ne s’appuyant sur aucun socle politique, le climat d’une « politique désenchantée » les empêche d’être lucides dans la dynamique  de « faire de la politique ». C’est aussi dans un contexte social et économique taraudé par une crise endémique qu’ils ne croient plus à leur avenir. Car, les plus grandes difficultés d’insertion sociale et professionnelle touchent toutes les catégories de la jeunesse et les privent d’entreprendre toute initiative. Les nouvelles générations les plus instruites, bien que critiques à l’égard de la politique de leurs aînés, jouent au double-jeu pour bénéficier à leur tour de ce qui pourrait faire leur bien-être.

Pourtant, une chose est certaine : l’apport de la nouvelle génération est la condition indispensable de tout progrès politique ou social. Mais cela semble difficile au regard du carriérisme qu’entretiennent la vieille classe politique et de l’inconscience de cette nouvelle génération qui n’entend que le cri de son estomac.

C’est pourquoi, il est indispensable, pour la jeune génération de se lever pour se distinguer des générations précédentes. Son activisme politique doit être réel et désintéressé. Loin d’être indifférents, les jeunes aspirants à la politique doivent se sentir concernés par de nombreux problèmes touchant au fonctionnement et à l’organisation de la société. Pour cela, ils se doivent de créer de nouveaux terrains d’engagement politique en dehors des partis politiques qui ne favorisent pas leur promotion.

Á cet effet, il appartient à la jeune génération de repenser la manière dont se fait la politique ; ceci est indispensable pour changer l’approche générale et les modalités plus traditionnelles de la mobilisation politique. Il faut placer au centre de cette nouvelle approche la volonté d’assumer des responsabilités et d’exercer une action sans dépendre du gouvernement ou des partis politiques  ou leur faire porter ce fardeau. Les jeunes doivent se cultiver davantage et s’impliquer dans les débats à plus grande échelle se déroulant sur différentes plateformes..

L’engagement associatif est sans doute une alternative susceptible de répondre à leur demande d’actions concrètes et directes. Car, il répond à une conception de l’engagement plus libre, sans embrigadement, sans tutelle hiérarchique, et peut s’exprimer de façon ponctuelle.

C’est dire que les jeunes sont capables de rallier certaines mobilisations impulsées par des associations, se reconnaître dans les causes défendues, sans pour autant franchir le pas d’une adhésion politique. Ils peuvent ainsi conserver leur libre arbitre et avoir du poids dans l’arène politique.

En guise de conclusion,  il faut souligner que la Centrafrique est à la croisée des chemins. Elle est désormais au cœur des préoccupations de développement dans lesquelles sont engagés ses dirigeants depuis une cinquantaine d’années. Ces derniers peinent à trouver une issue heureuse à partir de laquelle le pays pourrait jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale.

Il est nécessaire de réfléchir à une nouvelle génération de leaders, capables de relever plusieurs défis comme ceux de l’éducation et du bien-être, de la sécurité et de la refondation de l’Etat en faillite, de la promotion de la démocratie et des droits humains, et de la mise en place de nouvelles conditions de paix et de liberté, gage d’un développement durable., C’est sur la manière d’affronter ces différents défis que s’est penchée cette réflexion. Le pays est encore sous l'emprise des puissances étrangères dont les tentacules  enchaînent même certains jeunes pour les manipuler,  Comme la jeunesse post-indépendance en 1960, de celle en 1979, il revient à la nouvelle génération d'aujourd'hui de combattre pour se libérer de ce joug de servitude sociale et économique afin de prendre leur destinée en main. 

Au final, ne peut-on pas donner raison à ce proverbe africain qui dit: "

"Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur"?

Dit autrement, il appartient aujourd'hui à une nouvelle génération d'ouvrir un autre chapitre politique en  RCA au lieu de  miser toujours sur les  recettes obsolètes qui ne servent plus à rien . 

Que la jeunesse cesse d'être chantre de vieux noms politiques et se mue en acteurs politiques !

 

Pour cela, engagez - vous avec respect et dignité ! 

 

Passi Keruma

 

 

 

 

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