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PKNEWS
7 juin 2020

CENTRAFRIQUE : LA RÉPUBLIQUE DES ÉMOTIONS

LES EMOTIONS

Il faudrait certainement être Centrafricain  pour se faire prendre dans le piège de la politique pulsionnelle exercée abusivement dans ce pays.

À chaque fois qu’il y a un événement politique d’une portée capitale, il faut faire le tour de la toile des réseaux sociaux pour comprendre l’état d’esprit des Centrafricains. Quelle sera votre surprise de constater que 99% des internautes centrafricains sont souvent emportés par la théâtralité émotionnelle de la politique. Car, en lisant les commentaires des uns et des autres pour mesurer le degré de maturité d’un peuple assez longtemps asservi, vous arriverez à la même  conclusion que Pierre Le Coz dans  son ouvrage « Le gouvernement des émotions et l'art de déjouer les manipulations »  qui affirme avec raison qu’ “À l'ère du multimédia, nous assistons au triomphe de l'émotion. Le pouvoir médiatique s'impose en faisant vibrer la sensibilité au rythme haletant de stimulations sonores et visuelles qui produisent une véritable addiction collective aux émotions.”

C’est là où j’ai compris que l’occasion fait le larron, les pouvoirs politiques ont saisi cette opportunité médiatique pour jouer sur les ressorts de l’émotion du peuple et de la manipulation qu’offre cette débauche d’excitations sensorielles et visuelles. Hélas, qui peut comprendre que “quand nos émotions sont dévoyées, ce sont nos jugements de valeur qui se trouvent pervertis." ? Sans aucune réflexion, on s’englue dans des spéculations politiques à outrance.

Pendant que les Centrafricains s’extasient dans les polémiques stériles pour défendre les chapelles tribales ou politiques, dans les fantasmes puérils, les  problèmes vitaux concernant l’avenir du pays leur échappe sans détours. Par exemple, les sous-sols centrafricains sont abusivement spoliés par des étrangers, le territoire national  infestés des groupes armés, et le pire, les Centrafricains continuent d’être manipulés par des puissances occidentales comme s’ils n’étaient que des bêtes de somme dont on n’aura plus besoin après avoir fini d'avoir tout ce que l’on pourrait extraire d’eux. Ils jubilent lorsque le pays colonisateur s’immisce dans les affaires nationales. Les hommes politiques sont prêts à se battre becs et ongles là où ils perçoivent leurs intérêts, mais ignorent les intérêts collectifs. Par exemple, nos forces armées sont injustement mises sous l’embargo et privées d’armes depuis quelques années alors que les groupes rebelles peuvent s’armer à tours de bras pour tuer nos paisibles compatriotes, mais aucun homme politique ne peut oser monter au créneau pour  dénoncer l'injustice de l'occident. Mais plutôt, c’est une opportunité pour celui-ci d’instrumentaliser cyniquement la mort des centrafricains à des fins politiques inavouées. La question est de se demander si tous ces hommes politiques ne peuvent-ils pas se lever d'une seule voix pour dénoncer cette injustice auprès des instances internationales avec la même ardeur qu’ils utilisent pour se revendiquer « opposants » ?  

Faut-il se taire, sombrer dans l'indifférence , passer outre et poursuivre son chemin parce qu'on n'est pas aux affaires? Ou a-t-on le devoir de se tenir en éveil, de se révolter, de s'indigner contre toutes formes d'injustice infligées à son pays?

Face à ce qui s'apparente à une démission généralisée, face à l'insouciance de certains dirigeants politiques ne visant que le pouvoir, je le répète à tout ceux  qui veulent l’entendre qu’il n’y aura jamais une volonté patriotique des centrafricains d’être ensemble pour mettre un terme définitif à cette situation macabre qu’endure le peuple depuis des décennies. Il faudrait encore plusieurs siècles pour sortir les Centrafricains du corridor de réflexes des  colonisés. Certes,  plusieurs se révoltent sans pouvoir poser des actes concrets si ce n’est que l’illusion d’un « Dieu fera » . Et pourtant la réalité centrafricaine n’est pas cachée, elle est si visible que personne ne peut prendre la petite tangente pour ne pas constater que le peuple centrafricain est un peuple rêveur qui se conforte dans ses « émotions » et cherche toujours un bouc émissaire, vecteur de son malheur, pourtant il est le seul responsable.

Ce qu’on appelle « partis politiques »  en Centrafrique  n’est rien d’autre que l’imbécilisation à outrance du peuple à s’accommoder de la bêtise et de la compromission, à accepter de vivre dans l’inacceptable sans aucune velléité de réflechir sur son sort. Que peut-on attendre d’un peuple qui idolâtre des hommes politiques dénués  de toute vision idéologique,  responsables des partis politiques sans projet de société si ce n’est que pour promouvoir la « politique du ventre » ?

Lorsque Voltaire disait que “Le peuple ressemble à des boeufs, à qui il faut un aiguillon, un joug, et du foin.” Il n’avait pas seulement parlé du peuple français, il avait parlé de tous les peuples dans ce monde et certainement du peuple centrafricain qui en est l’expression caricaturale.

C’est un peuple enclin aux émotions. Et un peuple émotif est souvent privé de la raison et d’introspection. Il devient inconscient, démissionnaire, et surtout manipulé. Et c’est dans ce but que certains hommes politiques entretiennent la politique pulsionnelle afin de générer  chez leurs militants la capacité à  s’agiter émotionnellement plutôt que de réfléchir raisonnablement sur les problèmes du pays. C’est une stratégie politique à défaut d’un programme politique.  L’émotion semble aujourd’hui entretenir une place croissante dans le choix de nos dirigeants. C’est ce que Nietzsche dénonçait :

"Cette agitation s’accroît tellement que la haute culture n’a plus le temps de mûrir ses fruits (...) À aucune époque les hommes d’action, c’est-à-dire les agités, n’ont été plus estimés". (Nietzsche, Humain, trop humain (1878).

 L’émotion, du latin emovere, est une sensation de l’esprit caractérisée par la spontanéité, la réaction hâtive. Devant cet impératif de vitesse, la dimension spontanée de la part émotionnelle dans le choix politique constitue pour autant un danger pour la démocratie.  Car, l’émotion, lorsqu’elle se détache de l’intérêt général, devient l’instrument de fins politiques catégorielles et intéressées. Parce qu’elle est une attitude passive, l’émotion est un levier dangereux que nombre de chefs politiques actionnent pour attiser les instincts grégaires du peuple.

En Centrafrique, sans l’émotion, la démocratie vacille, immobile, suspendue dans les eaux glacées de la raison. Si Hegel notait que "rien de grand ne s’est fait sans passion", il n’oubliait pas de rappeler que l’exubérance de passion favorise l’instabilité politique et que la passion n’est rien sans la raison qui la guide.

Certes, l’émotion fait partie de l’Homme, il ne s’en peut détacher. Les sociétés humaines en ont foncièrement besoin ; elles en sécrètent quoiqu’il arrive. Mais, la part passionnelle de l’homme doit pouvoir trouver sa place dans un espace collectif ; à défaut de servir des actions de repli. Pour cela, l’alliage de la raison et de la passion est peut-être la recette miracle d’une démocratie guidée par la raison de l’intérêt supérieur et mue par les organes dynamisants de l’émotion. Dans ce cas, l’émotion ayant pour racine latine la motio, désigne l’action de se mouvoir. En effet, les centrafricains ont intérêt à faire mouvoir leur émotion dans l’intérêt général afin de voir le bout du tunnel au lieu d’en faire un instrument de défendre des intérêts égoistes.

Passi Keruma

 

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