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PKNEWS
30 mai 2020

CENTRAFRIQUE : LA SOIF DU POUVOIR PLUS FORTE QUE LES IDÉES POLITIQUES

 

HOMMES POLITIQUES

La question m’a été posée avec ironie une fois par un ami sénégalais : « Êtes-vous dans une République des politiciens ? », faisant ainsi allusion aux nombreuses crises politiques qui sévissent en Centrafrique. À mon avis, la question était  pertinente mais à la fois provocatrice et  embarrassante. "Être dans une République des politciens?", mais quelle absurdité!

Après mûres réflexions, j’ai finalement dû comprendre avec raison ce qu’il a voulu dire par cette interrogation. La question fait allusion aux différents  conflits armés qui sévissent en RCA dont le seul enjeu est la conquête du pouvoir. 

 Cet ami a compris que toutes les instabilités politiques — qui secouent la Centrafrique — proviennent des querelles de personnes, des ambitions démesurées,  de l’égoïsme et de l’égocentrisme d’hommes politiques qui, pour accéder au pouvoir et s’y maintenir, trouvent souvent mieux de créer des conflits et d’attiser des haines entre les centrafricains.

Sous l’emprise de la soif du pouvoir

Cette soif du pouvoir a été excellemment dénoncée par le Monseigneur Nzapalainga en Février 2014 sur Radio Vatican   : « C’est la recherche du pouvoir, il faut avoir le courage de le dire ! On ne se bat pas pour être plus proche de Dieu ou bien pour défendre sa foi. On se bat pour être au pouvoir. On se bat pour montrer qu’on est le plus fort”, dénonçant “les hommes politiques véreux” qui manipulent les jeunes. Et récemment, l’expert indépendant des Nations-Unies, Yao Agbetse a déclaré dans un communiqué en Avril 2020 : « Tout acteur politique qui a exercé ou envisage d'exercer de hautes fonctions à la tête de la RCA, y compris la magistrature suprême, doit se montrer capable de placer l'intérêt du peuple avant ses propres intérêts ; cette exigence n'est pas négociable ».

Ces deux interventions évoquées permettent de se demander si les hommes politiques centrafricains aiment-ils  vraiment leur peuple. Sont-ils vraiment soucieux des misères qu’ils infligent à leurs compatriotes? Ont- ils vraiment la volonté politique de sauver ce pays ?

Toutes ces questions me rappellent ce que disait un compatriote centrafricain : « Il va falloir faire un jour le bilan de tous ces hommes politiques pour savoir ce qu’ils ont fait du bien pour ce pays si ce n'est que s’enrichir illicitement et en toute impunité au détriment du peuple qui souffre et qui survit au jour le jour. Lorsqu'il y a des guerres et des rebellions dues à leur mauvaise gouvernance, ils sont les premiers à se mettre à l'abri dans les ambassades, dans les organismes internationaux ou à l'étranger tout en abandonnant à son triste sort la population. Trop c'est trop; il est temps que le bas peuple se réveille pour dire non au moment venu à tous ces charognards politiques qui ne cherchent que leurs intérêts. ». Et, les sorties de Fidèle Gouandjika qui se déroulent sous forme de cours magistraux  en ce moment sur les réseaux sociaux, corroborent toutes ces remarques.

En panne d’idées politiques

Sous d’autres cieux, le véritable homme politique est mû par ses idéaux et non par ses ambitions, par son patriotisme et non par ses intérêts personnels. Tout acte qu’il pose, se mesure par l’équilibre qui est entre sa propre ambition et celle qu’il a pour son pays.  Aussi, il ne suffit pas de diriger un parti politique pour croire que l’on a la capacité de diriger un pays. La longévité en carrière politique ne s’apparente pas nécessairement à la maturité politique. Les qualités requises pour être un bon chef de parti ne sont pas les mêmes que celles d’un bon Président. Pour être bon Chef de Parti, il faut savoir séduire ses militants. Le bon Président, au contraire, est celui qui est au-dessus de la mêlée, qui représente l’autorité, apparaît capable de gouverner et parle un langage de responsabilité, mettant l’accent sur les contraintes. Malheureusement, les crises récurrentes en Centrafrique démontrent que notre pays n’a pas encore eu de tels hommes politiques, matures et prêts à sacrifier leurs intérêts sur l’autel du bien-être des centrafricains. Pourtant, la plupart de ces politiques adoptent souvent une attitude aux antipodes des clichés sur l’homme politique qui a tout vu, tout compris, et a une solution qui va régler tous les problèmes. Erreur !

Par ailleurs, notons qu’un parti politique n’est pas seulement un réservoir de candidats aux postes présidentiel ou ministériel, il doit aussi être capable de mobiliser la société sur des causes et de renouveler ses idées. Une force politique a deux grandes fonctions, participer à la vie des institutions, d’une part, et éclairer l’avenir, donner sens à un projet d’émancipation, d’autre part. Car, un des premiers buts de la politique, c’est de donner un langage à ce que vivent et attendent les gens, pour en faire des citoyens plus lucides et plus actifs. Or, le langage politique en Centrafrique aujourd’hui, tourne à vide, ne donne pas de chair sensible à l’existence des gens. C’est pourquoi, certains ambitieux mal intentionnés voient dans le recours à la violence armée le seul moyen d’améliorer leur sort. La prise du pouvoir par les armes est devenue aujourd’hui un mode opératoire d’ascension sociale. Le seul but est la confiscation du pouvoir par tous les moyens, y compris la manipulation des populations, l’instrumentalisation de l’ethnicité et du nationalisme, les violations des droits humains et la militarisation de la jeunesse fortement désespérée par le chômage et l’absence de perspective d’avenir.

Pas de stratégie de développement

De fait, depuis plusieurs décennies, aucun gouvernement n’a pensé, ni encore moins, mis en place une stratégie de développement pour la Centrafrique. Les rêves et les espoirs des centrafricains ont toujours été ignorés. En lieu et place, s’est institutionnalisé un système de pillage des richesses de la RCA. Ce système ne fonctionne pas que comme une économie de pillage, il a ses composantes politiques, et socio-culturelles. La compréhension de cet abîme politique, économique et social dans lequel la Centrafrique se trouve aujourd’hui, provient particulièrement du comportement de la classe dirigeante, de la mauvaise gouvernance des régimes politiques qui se sont succédé et des modes de gestion qui se sont fondés sur l’économie politique de la prédation. Cela a entraîné la pauvreté et la misère des populations, le tribalisme et le recrutement sur la base de critères obscurs dans les forces armées centrafricaines, l’impunité de certains auteurs présumés de graves violations de droits de l’homme et l’insuffisance et la détérioration des infrastructures de base. Outre la moralité de nos hommes politiques, le manque de responsabilité, le comportement immoral et les pratiques de corruption se sont tellement répandus que cela est même devenu des normes institutionnelles de comportement en Centrafrique.

Aussi, malheureusement, les populations exultent très souvent, dès qu’une personne accède au pouvoir dans l’espoir de voir enfin le bout du tunnel, mais elles oublient souvent que derrière les beaux discours de ces politiques se cachent souvent des désirs de pouvoir, de richesse et d’honneurs comme ce fut le cas dans les dix dernières années, jusqu’au drame que nous sommes en train de vivre, dans lequel chacun sait sa part de responsabilité.

Le besoin d’idées nouvelles pour la Centrafrique

La Centrafrique a besoin de nouvelles idées d'une politique qui assure sa propre cohérence interne pour se libérer effectivement de l'impérialisme sous toutes ses formes. Ce rôle est en réalité la responsabilité qui incombe à chaque citoyen, mieux à l'homme politique centrafricain. Il s'agit de rendre au peuple sa souveraineté, de le conscientiser en lui faisant assimiler une doctrine et un programme adaptés à ses besoins réels, de le politiser en rendant la « nation » globale présente à chaque citoyen, en faisant l'expérience de la nation, l'expérience de chaque citoyen. Pour ce faire, un programme est nécessaire à un gouvernement qui veut vraiment libérer politiquement et socialement son « peuple ». Il faut un programme économique certes mais aussi une doctrine sur la répartition des richesses et sur les relations sociales. Il s'agit, pour les dirigeants de se mettre au service du peuple, de se sacrifier pour le peuple, de le mobiliser pour une action efficace et inaliénable. Ils doivent favoriser l'incorporation de chaque citoyen dans la société dont ils sont le moteur.  Car, le gouvernement national, s'il veut être national doit « gouverner par le peuple et pour le peuple, pour les déshérités et par les déshérités ». Aucun leader politique, quelle que soit sa valeur, ne peut se substituer à la volonté populaire et le gouvernement populaire doit, avant de se préoccuper de son prestige, redonner dignité à chaque citoyen.

Pour ce faire, nous voulons une classe politique rajeunie et rééquilibrée, comme le disait Aimé Césaire : « sans quoi rien n'aurait aucun sens, rien et pas même notre victoire de demain.». Il est temps pour la classe politique centrafricaine d’entendre ce proverbe africain : « ce n’est pas parce que le chien préfère les os à la viande qu’il faut toujours lui refuser la viande, c’est parce qu’on ne la lui donne pas pour goûter, pourtant c’est lui qui tue l’animal ».

Que l’on cesse de nourrir le peuple centrafricain avec des « os desséchés » sur fond des slogans qui ne sont que des voeux pieux.

 Passi Keruma

 

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